Oui, chez nous, en France, on aime bien danser ; un pas en avant, trois pas en arrière… On aime bien aussi tricoter et détricoter.

Tout ceci est imagé me direz-vous, mais c’est un peu le tableau dépeint au sujet des rythmes scolaires, avec une réforme qui continue à faire débat et persiste dans la division.

3 réformes en 10 ans (sic, il n’y a qu’en France que l’on tâtonne autant non ?)

Petit flashback en 2008 avec la suppression des samedi matin travaillés, compensés par des APC (Activités Pédagogique Complémentaires) et surtout 24 heures d’enseignement que l’on devait répartir sur 4 journées.
[Petit pincement au cœur et nostalgie de ce samedi matin, où le temps était différent de celui de la semaine, matinée qui nous permettait de la clore avec nos élèves et également de rencontrer et d’échanger plus longuement avec les parents entrevus rapidement durant la semaine.][Avec du recul, je me dis Vive les week-ends !.]

Ont suivis différents rapports, conférences et études menées par des chrono-biologistes et psycho-biologistes (Académie Nationale de médecine, Mission d’information parlementaire sur les rythmes de la vie scolaire…) menés entre 2010 et 2013 mettant en avant le côté néfaste de la semaine de 4 jours et la concentration des temps d’enseignement sur les rythmes de l’enfant .

En 2013 (ou 2014 selon le choix de la date d’application de la réforme), le décret sur la réforme des rythmes scolaires entre en vigueur pour un passage à 4,5 jours d’enseignement. Brans le bas de combat au sein de l’Education Nationale et du corps enseignant : à la future rentrée de septembre, sont prévus 4,5 jours d’enseignement avec au choix, pour les communes, des journées qui se terminent plus tôt toute la semaine ou deux demi-journées aux après-midis allégés. Concernant Paris, le choix s’est orienté vers cette seconde option.

Les principaux buts de cette réforme étaient de s’accorder avec les rythmes de l’enfant, dont l’attention et le temps d’apprentissage sont au top le matin, mais aussi d’encourager l’accès pour tous à des activités péri-éducatives afin de réduire les inégalités…

Les premières réactions côté enseignants furent rapides et vives  : grand mouvement de contestation quant à la mise en œuvre de cette réforme. [Et puis, j’ose avouer que, oui, devoir faire une croix sur mon mercredi matin ne m’enchantait pas (ne dit-on pas que le grand privilège des enseignants est le TEMPS ? j’abordais le sujet des vacances d’été d’ailleurs ici.) Non seulement, en tant que maman, cette journée me permettait de profiter pleinement de mes enfants, de prendre le temps d’une façon différente que le week-end, mais aussi me permettait de me poser et travailler. Révolue donc cette époque du mercredi « à la maison ».][Séquence nostalgie bis].

3 ans ont passé… Je me suis habituée à ce rythme, j’ai planifié mes programmations, progressions, organisé ma classe, ma semaine en conséquence, rencontré et travaillé avec les intervenants du péri-scolaire investis sur des projets communs (plus ou moins selon les écoles…).

Et puis, le 27 juin dernier, coup de massue. Publication au JO du nouveau décret permettant aux communes qui le souhaiteraient de revenir sur la réforme.

Oui, le 27 juin, 2 semaines avant les vacances scolaires ; cela laisse bien évidemment le temps à tous les acteurs concernés de se concerter et de mettre – à nouveau- en place une nouvelle organisation pour la rentrée !!

Quid des rythmes de l’enfant ? Qu’en est-il réellement ? C’est à mon sens la question que l’on doit se poser : à qui profite cette réforme et quels sont les intérêts réellement défendus ?
Pourquoi, s’il est prouvé scientifiquement que le pire rythme est celui de 4 jours, une école sur trois revient à la semaine de 4 jours ? Si ce n’est une histoire de budget, toute cette mascarade, merci de bien vouloir me le signaler !

Mon point de vue sur la question n’est pas tranché : la mise en œuvre de la réforme en 2013, a été non réfléchie sur sa mise en œuvre et l’organisation qui allait en découler sur le terrain. Je me souviens de cette rentrée chaotique à Paris pour laquelle nous ne savions pas qui prenait en charge les enfants à 15h00, ni où ni comment… de parents destabilisés quant aux horaires, sans parler des enfants perdus sur la multitude d’adultes qu’ils avaient rencontrés en si peu de temps…

Certes, la réforme a permis l’accès à des activités à des enfants qui n’en bénéficiaient pas jusque là (reste à évaluer la qualité des contenus, et l’engagement des intervenants, données extrêmement variables dira-t-on). Ne serait ce que sur la ville de Paris, les activités proposées par exemple entre le 7ème arrondissement (pour ne citer que lui) et le 18ème, n’ont absolument rien à voir : recrutement des intervenants, diversité des activités proposées… Sans parler des zones rurales où le défaut de personnel s’est révélé extrêmement problématique dans la gestion et l’organisation de ces nouveaux rythmes, et des budgets dans le rouge où les communes ont été obligées de demander une participation aux parents (supprimer les inégalités disait-on…).

Du point de vue des enfants, et de leur bien-être, les grands acteurs (chronobiologistes, chercheurs, …) s’accordent à dire qu’il n’y a pas pire qu’une semaine de 4 jours aux journées d’enseignement « longues ». Sans aucun doute, et je le confirme, l’attention des enfants est bien plus notable durant la matinée que l’après-midi. Mais les rythmes d’un enfant de 3 ans sont-ils les mêmes qu’un pré-ado de 10 ans ? Je ne suis pas spécialiste en la question mais il me semble tout de même bien que non !

Comment peut-on se prévaloir de mettre en avant le respect des rythmes de l’enfant en imposant exactement le même à différentes tranches d’âges ?
Oui, je peux confirmer que mes petits élèves de maternelle, depuis la mise en place de la réforme sont fatigués dès la fin de matinée du jeudi, que le jeudi après-midi (journée donc longue à Paris) ils ne sont plus du tout réceptifs, sans parler du vendredi. Mes réponses à moi sont donc d’adapter au mieux mon emploi du temps sur la semaine en concentrant les apprentissages fondamentaux en matinée de début de semaine et en lâchant un peu de lest en fin de semaine…
C’est par ailleurs la tendance dans certains pays européens qui ont des rythmes différenciés selon le niveau de scolarité et où les enseignements sont concentrés le matin et allégés les après-midis.

En Suisse*, par exemple, les horaires scolaires sont les suivants : 08h00/11h40 puis 13h40/15h20. « Il est difficile de s’organiser quand les deux parents ont une activité professionnelle, » d’autant que l’école n’organise aucune garde, étude ou activité : tout est géré par le système extra-scolaire dont les horaires et ouvertures varient selon le canton et les villes/villages (mise en place en 2012).  Ces activités n’ont pas lieu au sein de l’école (ce qui n’est majoritairement pas le cas en France, en tout cas dans mon école, une bonne partie des locaux sont réquisitionnés, d’où cette confusion école/péri-scolaire difficile à comprendre par les parents et les enfants). Et tout ceci est payant à l’année en fonction des revenus du foyer + une cotisation annuelle.

Chaque ville/village propose des horaires d’accueil extra-scolaire qui lui sont propres (le matin avant 08h00, le midi et après 15h40. C’est donc un peu ce qui se passe actuellement en France. En revanche, cet accueil extra-scolaire n’est pas forcément conduit pendant les vacances scolaires.
Quant aux vacances scolaires, la répartition annuelle est la même hormis 2 semaines en moins en été, au grand regret de nos amis Suisses.*

Et puis, qu’en est-il également des repères et référents que l’on sait primordiaux pour un enfant entrant en petite section ?
Et bien tout simplement les premières semaines, ils sont perdus et ballottés entre leur enseignante, l’ATSEM, les animatrices, avec des journées qui se suivent et ne se ressemblent pas (lundi journée longue, mardi journée courte et TAP, mercredi matin et après-midi centre de loisirs, jeudi journée longue et vendredi courte et TAP) ; il y a de quoi en perdre son latin ses repères !!

Quant aux plus grands d’élémentaire, le bénéfice est peut-être plus notable ; j’ai néanmoins des échos mitigés de mes collègues à ce sujet.

Bilan donc mitigé en tant qu’enseignante en maternelle, même si depuis 2013, les acteurs du périscolaires et nous, équipes enseignantes, travaillons un peu plus coudes à coudes sur des projets éducatifs communs.

La ville de Paris a choisi de rester sur cette organisation de 4,5 jours. Je m’en accommoderai puisque les différentes études des chrono-biologistes et chercheurs démontrent que ce rythme hebdomadaire est le plus approprié pour l’enfant…

Il me semble que nous sommes face un problème qui implique de réfléchir à une organisation, non pas de la semaine, mais de l’année complète, en tenant compte d’une part du rythme des enfants mais également du temps de travail et de l’organisation des parents.

Pourquoi ne pas envisager un rythme spécifique pour la maternelle au sein de cette réforme ?

Pourquoi un tel retour en arrière du Ministère ? Quid des études des chrono-biologistes et chrono-psychologues mises en avant lors de la réforme de 2013 ?

Et vous, parents, enseignants, que pensez-vous du retour, pour certaines communes, à la semaine de 4 jours ? Comment allez-vous vous organiser ?

 

*Un grand merci à Blognouveaupapa pour ses informations sur les rythmes suisses !